A propos

Que deviennent nos souvenirs quand ceux-ci sont mis à l’épreuve du temps et de la mémoire, et qu’ils sont confrontés à un travail plastique ?

Le souvenir est au centre de mon travail, et l’enfance en est la principale source d’inspiration pour tenter de retrouver mes émotions premières.

« J’exprime le désir de revenir sur le passé avec l’esprit de l’enfance » (Louise Bourgeois).

C’est un travail qui prend la forme d’un autoportrait au fur et à mesure de son avancement.

Parcours artistique, parcours de vie qui s’exprime sous la forme d’un itinéraire géographique d’un lieu à un autre, une narration graphique où les paysages défilent de part et d’autre d’une route parcourue à vélo, enfant, entre deux maisons.

Le souvenir des paysages traversés est exprimé comme un défilement d’images cinématographiques essentiellement en noir et blanc. 

Ils sont représentés avec une obsession d’archivage de la pensée, et n’ont aucune particularité esthétique réelle. En cela, il est possible que ces lieux, en apparence singuliers, puissent croiser les paysages de chacun de façon plus universelle.

Les représentations ne se veulent pas fidèles à la réalité, elles sont l’expression de ce qui reste dans la mémoire de l’enfant que j’étais, et d’un remaniement imaginaire.

Cette recherche plastique sous la forme d’un va-et-vient, entre l’extérieur et l’intérieur, entre le dehors et le dedans de soi, est une circulation permanente de la pensée pour exprimer des émotions contradictoires, entre nos peurs et nos insouciances. 

Ce trajet « territoire » à la mesure de l’enfance, est aussi le souvenir d’une liberté où le temps qui passe n’a pas d’emprise sur la conscience. La nostalgie de cette insouciance passée, des paysages qui ne sont plus, qui ne nous appartiennent plus, renvoie à ce que nous sommes, à ce que nous sommes devenus.

Le corps, la figure humaine est absente de mes représentations, aucune vie réelle, la présence de vie apparaît sous d’autres formes: des objets domestiques, animaux, hybrides et monstres, ambiances… 

Ma recherche s’oriente vers des représentations métaphoriques, plus acceptables, capables de retenir en moi l’invasion de mes vieux démons.

Dans la maison, je suis celle qui regarde au travers du miroir de soi-même, celle qui attend, qui s’interroge, une introspection.

Les portes ouvertes ou fermées, les couloirs, les escaliers qui conduisent vers la lumière sollicitent des inquiétudes mais aussi des passages pour un transport vers un ailleurs. Serait-ce des passages obligés vers des paysages inconnus, dangereux, un vide, un futur ?

De la profondeur des racines à l’élévation vers les frondaisons, les métaphores permettent la mise à distance des actes : l’écorce comme la peau, les nœuds comme les cicatrices, la forêt en repli, le nid comme un abri précaire et incertain, la maison pour apprivoiser ses fantômes.

A travers cette idée centrale qu’est le souvenir, s’exprime un désir vain et profond de refaire le chemin comme pour retricoter le passé. 

De l’oubli à la résurgence, de la mémoire retrouvée, du malaise à l’apaisement, les tracés des outils (fusains, pierre noire, crayons…) le peu de couleurs, renvoient à des univers essentiellement nocturnes, solitaires pour faire écho à des rêves récurrents et refaçonnés.

Tout est questionnement autour de ce qui reste du passé.